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Benoît Mernier, TRIO pour violon, violoncelle et piano (2003) – Concert de l'ensemble FRACTALES

Date : 08.10.2020

Trio pour Violon, Violoncelle et Piano (2003) [13’ca] – Benoît Mernier. Ce Trio à clavier est une commande du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (département musique). Sa création en juin 2003 par le trio Geister concluait la résidence que le Palais des Beaux-Arts m’avait proposée durant la saison 2002-2003. Les deux autres créations de cette résidence avaient des liens avec la musique du passé : An die Nacht pour soprano et orchestre sur un poème de Novalis, créé et commandé par l’OPRL s’inscrivait, tout comme ce nouveau Trio, dans un programme Schumann –la figure du poète et celle du musicien sont assez proches, ne serait-ce que par la thématique crépusculaire de leur oeuvre. Upon Teares pour concert de violes de gambe proposait, quant à elle, des liens plus forts avec le passé puisque l’oeuvre, fai

sant voeu d’humilité, était entièrement conçue comme un écrin aux Lachrimae de John Dowland. Mon Trio à clavier montre sans doute moins clairement ses racines à la musique du passé. Pourtant, il s’inspire directement du premier Trio en ré mineur de Schumann mais cette relation vient en quelque sorte s’inscrire en creux. (Il n’y a donc pas de véritables éléments thématiques communs repérables à l’écoute.) J’ai essayé d’y faire écho, non par redondance, mais plutôt en « négatif » ; sans référence aucune au langage, ni au style de Schumann, contrairement, par exemple, à l’hommage rendu aux trios de Schumann -spécialement le troisième- par Wolfgang Rihm à travers ses Fremde Szenen, grâce à l’exaltation de figures et de gestes schumanniens qui viennent agir comme par excès. Ici, rien de cela. Juste, peut-être çà et là, le souvenir troublé et lointain d’une phrase étrange dans le premier mouvement du Trio de Schumann, phrase qui semble ne se rattacher à rien : des accords répétés dans l’aigu du piano, le violoncelle et le violon jouant sur le chevalet une curieuse mélodie en mouvement disjoint aux couleurs pentatoniques. Une des images qui me frappe à l’écoute du premier Trio de Schumann est un mouvement qui tend toujours à s’élever, qui touche une cime - y reste parfois quelques instants-, puis, pour finir, échoue toujours : sorte de promesse que l’on ne peut jamais tenir mais que l’on engage sans cesse avec l’espoir renouvelé de la voir enfin tenue… Ce sentiment est sans doute exacerbé par l’allure passionnée du premier mouvement. On retrouve également cette image clairement soulignée dans le trio central du deuxième mouvement : le thème y est une ligne montante puis descendante mais arrivant plus bas que le point de départ – les entrées successives en canon rendent cette figure qui se clôt sur elle-même encore plus prégnante peut-être : les mouvements de force contraire s’annulent… Ma pièce aussi procède du même mouvement : on part d’un point et on y revient. Mais là où Schumann promettait, j’annonce l’échec : le début de mon trio échoue totalement! Des bribes qui s’enroulent sur elles-mêmes en descendant inexorablement, qui tentent en vain de reprendre de l’altitude ; des gestes hétérogènes qui semblent n’être reliés entre eux que par leur propriété commune à subir la loi de gravitation ! Une partie centrale fait fonction d’adagio : c’est le lieu où les choses se renversent ; on attend et on prépare la troisième (et dernière) partie qui est, vue de loin, un grand mouvement ascensionnel : on recolle enfin les morceaux… C’est le moment où tout ce qui avait été mis en péril peut se rééquilibrer, c’est le moment où la forme se reconstruit. Mon Trio est un peu conçu comme une vitrine de poupées gigognes : chacune des parties se retrouve comprise à l’intérieur des autres. Les trois parties fusionnent donc par assimilation. Seul un choral vient ponctuer par moments et laisse entrevoir l’articulation formelle de la pièce. D’un point de vue instrumental, le début confine les cordes dans un rôle de chambre d’écho : le violon et le violoncelle transforment ou amplifient les effets de timbre du piano- la 3ème pédale « sustain » du piano y contribue également. Ce n’est que progressivement qu’ils prendront une place plus importante, bien que, très souvent, ce soit le piano qui conduise le discours : il semble par endroits quasiment concertant. L’espace, les registres sont investis de manière très différente au fur et à mesure que l’on avance. Les extrêmes sont utilisés pour leurs pouvoirs expressifs et leurs qualités plurielles de timbre. Cette mise en espace induit aussi un jeu particulier sur la tension instrumentale –le violoncelle, par exemple, peut faire entendre des notes presque aussi aiguës que le violon mais avec une tension évidemment beaucoup plus grande. Ce Trio est fortement marqué par une idée ternaire (forme, harmonie : importance des tierces,…)… Il est dédié à mes trois enfants.

 

Benoît Mernier est né en 1964 et vit à Bruxelles. Il est organiste, compositeur et pédagogue. Il a étudié la composition avec Philippe Boesmans et l’orgue avec Firmin Decerf, Jean Ferrard et Jean Boyer. Plusieurs de ses disques et de ses oeuvres ont été récompensés par des prix internationaux (Charles Cros, Snepvangers, Tribune des Compositeurs à l’UNESCO, Prix Gilson de la CRPLF,…). Sa musique est jouée en Belgique et à l’étranger dans des institutions et festivals tels que Présences (Radio-France), Wien Modern, ISCM, Opéra du Rhin, Ars Musica, le Théâtre de la Monnaie, Bozar Music, Prague Premières, Carinthischer Sommer… Il donne régulièrement des concerts d’orgue en Europe, au Japon et en Amérique du Nord. Après un deuxième opéra et une oeuvre pour choeur et orchestre sur des poèmes d’Emily Dickinson commandés par la Monnaie, un troisième quatuor à cordes créé et enregistré aux Etats-Unis et un concerto pour violon également enregistré sur un CD monographique (Cyprès), il a écrit un concerto pour l’organiste Olivier Latry pour l’inauguration du nouvel orgue du Palais des Beaux-Arts à Bruxelles. Cette oeuvre a fait l’objet d’une parution discographique qui lui a valu l’octroi des Octaves de la Musique 2019. Il est membre de l’Académie Royale de Belgique et professeur d’orgue au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles. Il enseigne cette saison la composition à la Chapelle Reine Élisabeth dans le cadre du réseau européen de maisons d’opéra ENOA. Il est également titulaire de l’orgue de l’église du Sablon à Bruxelles et conservateur de l’orgue du Palais des Beaux-Arts à Bruxelles.

 

L’ensemble Fractales… la partie est égale au tout… Fractales est un jeune ensemble de musiciens internationaux basé à Bruxelles. Fondé en 2012, il est né du désir de promouvoir les musiques contemporaines. Spécialisé tout d’abord dans la musique spectrale, Fractales a élargi son répertoire à tous les styles, et plus particulièrement à la création. Son soutien aux jeunes compositeurs, dans un souci de promouvoir les nouvelles générations musicales, a amené Fractales à organiser des workshops et plus spécifiquement la résidence « BE Connect » qui a pour objectif de réunir l’avant-garde européenne autour de l’échange international et la création. L’énergie, la passion, le partage et le souci de la qualité sont les points forts que les critiques prêtent à Fractales, et les raisons de sa reconnaissance internationale. L’ensemble s’est déjà produit à maintes occasions : Les Nuits du Beau Tas, Festival Europart, Festival Batard, La Semaine du Son, Belgian Music Days, Week of the Contemporary Music Ghent, piknik Music, Studio Spatial, SMOG, Festival LOOP 5, 8, 10 et 11 en Belgique ; Summer of Sounds, Schoenberg Centre, Festival ISA 14,16, 18 et 19, Impuls 2015 en Autriche ; Turner Sims Concert Hall, Southampton University au Royaume-Uni ; 48 IMD Darmstadt en Allemagne ; 15th et 17th Festival Afekt en Estonie ; Contrapunkt Saint-gallen en Suisse ; festival DME au Portugal ; Academia Belgica, 56e festival Nuova Consonanza Fondazione Isabella Scelsi en Italie ; De Link Nieuwe Muziek, Tilliander, Concertgebouw Eindhoven, Willem Twee Den Bosch au Pays-Bas ; festival Remusik en Russie… Fractales a déjà été diffusé sur de nombreuses radios nationales et internationales : Musiq3, Klassikraadio, ABC classic FM, DR.DK, RTE, PolskieRadio, Oe 1 orf, Yle radio, Hangtar radio, tvr ;hét, Kulturradio rbb, Hrt radio, RTS espace 2, NRK, Wfm 98.7, SverigSRadio, RTVSLO… L’ensemble a été récompensé par plusieurs prix : le prix d’interprétation « Just Composed ! » par l’Université de Musique et d’Arts de Vienne en 2014 et en 2018 pour la meilleure création d’une nouvelle oeuvre, le prix du jury et le prix du public lors du concours de musique de chambre Twee en 2017, et en 2018 le prix de la Fondation Vocatio. L’ensemble a été en résidence auprès du Forum des Compositeurs belges pour la saison 2017-2018. Fractales est soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

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