Marc WILMET Il y a grammaire (scolaire) et grammaire (linguistique)
Date : 29.09.2014 — Audio 82 min.
Dans l’histoire du langage, l’écriture vient en second et se règle donc sur la prononciation. Pour qu’elle soit dite « phonétique », il suffit qu’à chaque phonème corresponde un seul et même graphème. L’idéal… Quasi réalisé en latin, approché en italien et en espagnol, mais largement inaccessible en français, où par exemple le mot oiseau [wazo] ne comporte ni o ni i ni s ni e ni a ni u audible, à tel point, remarquait un plaisantin, que mieux vaudrait le lire à l’envers !
Comment en est-on arrivé là ? Essentiellement, par un accroissement du nombre des phonèmes sans augmentation concomitante des graphèmes hérités du latin. S’ajoutent progressivement, au Moyen Âge, le souci ornemental d’étoffer les mots trop courts et, à la Renaissance, des préoccupations étymologiques d’érudits (parfois mal informés).
C’est aussi au XVIe siècle que naissent les premières tentatives de réformes. Le Dictionnaire de l’Académie a beau adopter quelques propositions simplificatrices, elles se raréfient d’une édition à l’autre, surtout à partir de l’enseignement obligatoire, dont l’orthographe devient le fer de lance.
On comprend le coup de sang de Ferdinand Brunot dans sa Lettre ouverte à M. le Ministre de l’Instruction publique (1905) : « …l’orthographe est le fléau de l’école (…). Comme tout y est illogique, contradictoire, que, à peu près seule, la mémoire visuelle s’y exerce, [cet enseignement] oblitère la faculté de raisonnement ; pour tout dire, il abêtit. »
Le drame est que la grammaire scolaire s'est mise en France et dans les pays de culture française à l'étiage des manuels orthographiques. Une grammaire authentiquement réflexive ne trouve pas place à l’école, alors qu’elle pourrait contribuer à la formation intellectuelle des élèves tout en améliorant les conduites pratiques que la société jusqu’à nouvel ordre leur impose. L'exemple emblématique de l'accord du participe passé en fera la démonstration.