L'analyse de la question de l'ipséité humaine (le « soi », das Sebst) traverse l'histoire de la philosophie contemporaine, en particulier au sein des écoles de phénoménologie et d'herméneutique.

Question majeure à travers laquelle il serait possible de relire tout Être et Temps de Heidegger ainsi que ses héritages, elle permet de mettre en évidence les manières de penser l'identité individuelle humaine à l'écart des concepts par lesquels nous pensons l'identité des choses. Chez Heidegger déjà, le « Selbst » a un rapport privilégié avec la structure temporelle qui définit l'existence. Il articule en lui la réponse au « qui? » est l'homme en opposition à la question au « quoi? » (qui vaut pour la chose).

Chez Ricoeur l'étude fine de la différence irréductible entre l'identité objectivée (identité-idem) et l'identité subjective (identité-ipse) retrouve les composantes temporelles de l'existence et s'exprime dans le célèbre modèle de l'identité narrative. Or celui-ci rencontre une nouvelle question : comme penser ensemble la persistance d'une identité et la rencontre de la nouveauté (l'événement) ? Ricoeur se prononce en faveur d'une conception classique du récit qui intègre à mesure ce qui, de l'extérieur, risquerait de rompre sa cohérence. Toutefois, la sensibilité contemporaine hésite à donner tout son aval à cette vision narratologique. La post-modernité ne nous apprend-elle pas douter de la valeur conclusive des récits, en particulier des « grands récits » ?

Les analyses philosophiques et psychopathologiques de Binswanger et Maldiney apportent un éclairage original et concret sur le statut du récit vécu en première personne : le « soi » est ainsi structuré qu'il peut à la fois recevoir l'imprévisible nouveauté de l'événement et se temporaliser avec elle à nouveaux frais.
A contrario, la « destitution du soi » marque la perte dramatique de la liberté de l'existence et l'installation de la psychose.