La production du savoir est devenue un foyer de recherches foisonnantes. Le nombre de scientifiques, dans la sphère académique et dans la recherche privée, a considérablement augmenté, la mobilité internationale des chercheurs et celle des étudiants ont spectaculairement progressé, la diffusion et l’appropriation des résultats sont planétaires et instantanées. La concurrence au sein des mondes de la recherche et de l’enseignement supérieur s’est dotée de multiples outils de commensurabilité pour mesurer, évaluer, comparer, classer les pays, les organisations, les disciplines les équipes, les individus, les actes de travail. Une science de la production de la science, mais aussi une technologie de gestion de la production scientifique se constituent : elles analysent, par exemple, les déterminants de la productivité scientifique, les mécanismes de collaboration, la structure et la diversité optimale des équipes, la complémentarité et la rivalité des tâches exercées par les scientifiques, les formules optimales de financement. Cette science et cette technologie de gestion du travail scientifique prennent appui sur une particularité remarquable du travail scientifique, sa considérable traçabilité : la connaissance ne vaut qu’en étant rendue publique, partagée, exploitée, recombinée. Le développement des outils d’analyse bibliométrique du travail scientifique et la multiplication de leurs applications sont certainement le premier exemple de la construction d’un appareillage de big data appliqué à l’étude d’un monde professionnel tout entier.

Dans les deux leçons présentées à l’Académie royale de Belgique, j’examinerai comment le savoir s’accommode de ses lois de gravitation (la hiérarchie des sciences) et comment la valorisation grandissante du savoir, qui est clairement identifié comme la plus inépuisable des ressources, intensifie la compétition dans des activités qui doivent aussi savoir composer avec l’indifférence à la compétition pour rester authentiquement créatrices.