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Daniel SALVATORE SCHIFFER Le clair-obscur de la conscience
L'union de l'âme et du corps selon Descartes

Date : 06.05.2015 — Vidéo 92 min. — Audio 92 min.

René Descartes (1596-1650) : un classique de la philosophie ; le père fondateur du rationalisme en même temps que le disciple le plus assidu de l'idéalisme ; l’inventeur du doute radical (tabula rasa) ; le créateur du cogito (je pense, donc je suis), matrice de la réflexion contemporaine (de Kant à Derrida), surtout en sa dimension subjective (jusqu'à Rousseau et Proust, avec l'irruption du « je » en littérature et, plus généralement, dans l'art lorsque le moi en est le sujet) ; le défenseur du dualisme (platonicien) entre l’âme et le corps ; l'une des références majeures au sein de la pensée occidentale.

Il est pourtant un autre Descartes, dont l’on n’a encore, à ce jour, que très peu parlé, que l’on a sous-estimé, sinon occulté : celui, non pas de l'apologiste de la raison, mais de l'observateur de tout ce qui, en l’homme, se situe à la limite du rationnel (les « idées claires et distinctes », dont l’âme - la res cogitans - est le réceptacle) et de l’irrationnel (les « idées obscures et confuses », dont le corps - la res extensa - est le lieu). En un mot, en cette partie à la fois précise et indéterminée qu’est, aux confins de l’âme et du corps, le non-rationnel : la sensibilité (sensations, perceptions, impressions, émotions, passions), l’imagination, l’intuition, la mémoire, le rêve et même comme la préfiguration de l’inconscient. Bref : l’affectivité, pour reprendre le langage d'aujourd'hui.

D’où le sens du titre de ce cours-conférence : le clair-obscur de la conscience, à mi-chemin entre les idées claires de l’âme et les idées obscures du corps.

C'est donc, chronologiquement, le troisième et dernier Descartes, le moins connu et le plus négligé, le moins lu et le plus oublié, mais peut-être le plus intéressant et complet, sinon complexe, le plus novateur et révolutionnaire aussi, que l'on examinera, succinctement mais rigoureusement, dans l'étude présente : après l'auteur de textes aussi scientifiques que Les Règles pour la direction de l'esprit, Le Monde ou L'Homme, puis le métaphysicien du Discours de la Méthode ou des Méditations, le psychologue, enfin, des Passions de l'âme et autre Correspondance avec la princesse Élisabeth.
Car c'est là, en cette ultime mais féconde partie de sa vie, que Descartes, alors parvenu à ce stade tant prisé de la sagesse, sinon encore de la vieillesse, réussit à synthétiser le mieux, conformément à son ambitieux mais riche projet intellectuel, le savant qu'il était dans ses écrits de jeunesse avec le philosophe des textes de la maturité.

Bref : un Descartes original et inédit. Davantage : démystifié et réévalué tout à la fois. Mieux : actualisé, à la lumière des leçons de la philosophie contemporaine. Car c’est une véritable relecture, moderne et nuancée, d’un Descartes humaniste qui se voit ici proposée au lecteur. Et ce, prisme de toute future et exacte compréhension du cartésianisme, à travers un triple canal herméneutique et réseau analytique : la phénoménologie de Husserl et de Heidegger, sans oublier le criticisme kantien ; l’existentialisme de Sartre et de Merleau-Ponty, en passant par Kierkegaard ; la psychanalyse freudienne.

Ultime précision : ce n’est pas un hasard si ce « clair-obscur de la conscience » dont je parle chez cet autre Descartes s’inscrit en une période historique (le XVIIe siècle, à la charnière de l'âge classique et de l'époque baroque) où l’esthétique était celle, à l’œuvre chez les plus grands peintres hollandais, tels Rembrandt ou Frans Hals (portraitiste du philosophe lorsqu'il vivait en exil à Amsterdam), du clair-obscur.

Descartes n’était-il d’ailleurs pas cet homme énigmatique qui, en une lettre restée célèbre (adressée au père Mersenne), avouait « avancer masqué », afin de mieux échapper aux persécutions de son temps, lors même qu'on le croyait visible, sinon, suprême illusion, facilement lisible ?

Car il y a bel et bien, n'en déplaise aux tartufes es scolastique et autres arguties, un mystère Descartes : comme un « trou noir » philosophique que nous tenterons, dans ce cours-conférence, de combler.

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