Aller au contenu

Daniel SALVATORE SCHIFFER Le dandysme philosophique
Le « grand style » chez Nietzsche et « l’art de la séduction » chez Kierkegaard

Date : 13.10.2010 — Audio 79 min.

Le dandysme : une notion beaucoup plus profonde et articulée, tant sur le plan philosophique que littéraire, que ce qu’il y paraît à première vue. C’est cette thématique que nous nous attellerons à mieux cerner dans ce cours-conférence.

Ces leçons, aux confins de la philosophie, de l’art et de la littérature, se baseront sur la réflexion, à travers quelques-uns de leurs concepts-clés, de deux des penseurs majeurs du XIXe siècle, Friedrich Nietzsche et Sören Kierkegaard, pour analyser, dans un deuxième temps, la manière dont deux des plus grands écrivains de ce même siècle, Charles Baudelaire et Oscar Wilde, ont appliqué, au sein de leur œuvre poético-littéraire, ces notions philosophiques.

La figure du «philosophe-artiste», tout d’abord. Elle jalonne l’œuvre de Nietzsche. De lui connaît-on surtout la critique des valeurs judéo-chrétiennes : ce qu’il appelle la «transmutation des valeurs» (voir ses essais ayant pour titre Par-delà Bien et Mal et La Généalogie de la Morale). Avec, comme corollaire, l’avènement de ce qu’il qualifie, dans des ouvrages tels que Le Gai Savoir et Ainsi parlait Zarathoustra, le « surhomme ». C’est ce type de « surhomme » qui se révèle être la préfiguration du «philosophe-artiste» : être à l’intelligence, comme à la sensibilité, évoluant constamment, en une sorte de synthèse existentielle, aux limites, justement, de la philosophie et de l’art.
Cette figure du « philosophe-artiste », Nietzsche la développe en un ouvrage tel que La Volonté de Puissance et, plus précisément encore, en son chapitre intitulé la physiologie de l’art.

L’esthétique de Kierkegaard, ensuite. Elle constitue le premier des trois stades, au sein de sa «dialectique qualitative», du développement humain : les stades esthétique, éthique et religieux.
Elle se voit développée dans son célèbre Journal du Séducteur, mais aussi dans sa magnifique analyse, en musique, de l’opéra Don Giovanni de Mozart. Il sera donc fait également allusion, pour compléter notre analyse, à un autre texte du philosophe danois : Les Etapes érotiques spontanées, où il aborde le thème de la séduction, pivot existentiel et conceptuel à la fois de son «stade esthétique», au sein des trois grands opéras mozartiens : Les Noces de Figaro, La Flûte enchantée, Don Giovanni.
Ces textes de Kierkegaard son inclus dans son maître-ouvrage, intitulé Ou bien… ou bien.
Ce sera également là une manière de faire une analyse comparée, à travers la philosophie et les beaux-arts (la musique, en l’occurrence) entre les esthétiques de Nietzsche et de Kierkegaard.

Ainsi examinerons-nous, ensuite, la manière dont deux des plus grands écrivains du XIXe siècle - Charles Baudelaire, en France, et Oscar Wilde, en Angleterre -, chantres du dandysme, ont appliqué, consciemment ou non, ces importants concepts nietzschéen et kierkegaardien au sein de ces deux chefs-d’œuvre de la littérature universelle que sont Le Peintre de la vie moderne de Baudelaire, et Le Portrait de Dorian Gray de Wilde. Car c’est dans ces deux œuvres, principalement, que l’on voit apparaître le plus clairement la figure du « dandy », dont le philosophe-artiste nietzschéen ainsi que le «séducteur» kierkegaardien sont les archétypes philosophiques.

M.Salvatore Schiffer en profitera pour dire quelques mots d’un autre très beau texte de Baudelaire, concernant, celui-là, le dandysme féminin : Éloge du maquillage, inséré, lui aussi, dans Le Peintre de la vie moderne. C’est ce qu'il appelle la «sacralisation de l’éros», que des peintres tels que Félicien Rops et Fernand Khnopff, maîtres du symbolisme belge (dont il parlera aussi), ont su magnifier dans quelques-uns de leurs plus beaux tableaux.

Quant au Portrait de Dorian Gray de Wilde, c’est en ce texte que l’on voit se dessiner le mieux ce qu'il nomme volontiers l’ « esthétique de l’âme et du corps ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les peintres préférés de Wilde étaient les Préraphaélites anglais (Dante Gabriel Rossetti, Edward Burne-Jones, John Everett Millais…) dès lors que leurs tableaux se présentent comme un mélange d’hédonisme épicurien et d’ascèse stoïcienne : ces « deux postulations simultanées », comme les qualifiait Baudelaire dans son Cœur mis à nu, à l’œuvre chez le dandy.
Ainsi cette étude nous permettra-t-elle de nous livrer là aussi, à travers la littérature et les beaux-arts (la peinture, cette fois) à une étude comparée entre les esthétiques de Baudelaire et de Wilde.

Les plus récents