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Daniel SALVATORE SCHIFFER Le débat critique autour de l'art contemporain : le Beau dans l'Art

Date : 24.04.2012 — Audio 93 min.

Quels sont les critères esthétiques présidant au jugement de ce qu’il est convenu d’appeler, depuis la radicale rupture opérée par Marcel Duchamp avec ses célèbres «ready made» notamment, l’art contemporain ? Telle est la question, à laquelle nous tenterons d’apporter une réponse, à ce cours-conférence.

Car s’il est vrai que l’esthétique, cet autre nom de la philosophie de l’art », est bien la « science du beau », pour reprendre la définition des anciens Grecs (Platon, Aristote…) tout autant que des hommes de la Renaissance (Raphaël, Botticelli, Michel-Ange, Cellini…), alors elle ne peut appréhender à sa juste valeur la plupart des œuvres d’art contemporain, dont la préoccupation majeure n’est pas, à tort ou à raison, qu’on le veuille ou que l’on ne le veuille pas, la beauté précisément.

Est-ce à dire, pour autant, que l’«art contemporain» ne serait pas de l’art en tant que celui-ci s’avère avant tout, comme l’estimait Platon, l’expression, dans un matériau sensible (sculpture, peinture, architecture, musique, poésie…), de l’idée du Beau ? Non, bien sûr. Mais il faut élargir, alors, la notion d’ «esthétique», en y incluant, non pas seulement le «Beau», mais aussi le «Sublime», entendu certes, en un premier temps et conformément au langage commun, comme une catégorie supérieure de la beauté, mais aussi, en un deuxième temps et quasiment à l’inverse de cette première acception terminologique, comme un type de beauté s’opposant aux canons traditionnels de l’esthétique et pouvant donc inclure l’informe (l’art abstrait, par exemple), le difforme (Francis Bacon et ses visages éclatés, Lucian Freud et ses chairs flasques, Giacometti et ses silhouettes effilées, Botero et ses corps obèses, etc.), l’effrayant même (les fous hallucinés de Goya, la théâtre de la cruauté d’Artaud, etc.) sinon l’apparente laideur : une laideur «sublimée», justement, pour se voir alors élevée, fût-ce de manière paradoxale, au rang de «beauté».
Cette distinction entre le «Beau» et le «Sublime», condition de possibilité pour l’art contemporain, c’est Emmanuel Kant qui l’opéra, dans l’histoire de la philosophie occidentale, avec le plus de netteté : raison pour laquelle nous examinerons ce livre majeur, en matière d’esthétique, qu’est sa «Critique de la faculté de juger».

Quant à nous, nous appellerons ce passage du «Beau» au «Sublime», la «métaesthétique» : néologisme que nous inventons de toutes pièces.
Ainsi la métaesthétique est-elle à l’esthétique ce que, pour employer une analogie, la métaphysique est à la physique : quand la physique ne suffisait plus pour rendre compte du monde, les Grecs inventèrent la métaphysique ; de même, lorsque l’esthétique ne suffit plus pour rendre compte de l’art, inventons-nous, pour notre part, la métaesthétique en tant que science du Sublime, précisément, et non plus du Beau : critère nécessaire mais non suffisant, celui-ci, pour juger, désormais, l’art contemporain.

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