L’idée de lien social compte parmi les idées les plus tenaces et les plus massives du discours contemporain sur la société. Qu’il s’agisse de se plaindre de la « dissolution du lien social », ou au contraire d’en défendre les vertus, cette idée semble recueillir l’accord général.

Mais qu’est-ce que le lien social ? D’où vient cette idée ? Que signifie-t-elle ? L’accord unanime qu’elle semble recueillir ne serait-il pas l’indice de ce qu’elle dissimulerait un malaise, une inquiétude, ou un soupçon ? Par exemple, le soupçon suivant : qu’il n’y a rien de plus difficile que lier des êtres humains entre eux ?

Pour répondre à ces questions, et tenter de dissiper ce soupçon, nous disposons toutefois d’un allié de poids. Cet allié, c’est le droit, qui n’a cessé de se pencher sur la question des liens entre êtres humains, et d’inventer des solutions toujours nouvelles et toujours différentes pour les établir, les déplacer, voire les détruire. Plutôt que de lien social, peut-être, en effet, aurions-nous besoin d’une compréhension plus fine de cet étrange objet qu’est le « lien de droit » - ce lien qui, mieux que toute généralité, nous attache les uns aux autres, et redessine sans cesse la géographie de ce que nous persistons à appeler « société ».