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Françoise WUILMART Le péché de nivellement dans la traduction littéraire

Date : 28.03.2019 — Audio 66 min.

Le traducteur littéraire est d’abord un lecteur parmi d’autres, sa lecture est donc une « prise de sens » individuelle. Ce qui le distingue du lecteur ordinaire, c’est qu’il devra recréer le texte dans sa langue maternelle, et que dès lors sa lecture doit tenir compte de certains éléments incontournables.

Parmi eux : la polysémie du texte original ; en effet, la « réécriture » ne pourra être réductrice, ce qu’elle risquerait d’être si le traducteur se limitait dans sa recréation à une prise de sens individuelle.
Les autres dangers qui guettent le traducteur littéraire peuvent se résumer sous l’étiquette de « nivellement » du texte original. Un texte d’auteur (poétique surtout) est en effet d’abord une forme riche de relief. Or, le traducteur soucieux d’écrire dans une langue correcte, voire académique, court souvent le risque de « raboter » le texte littéraire.
Ce nivellement peut se produire à plusieurs niveaux :
1. Au niveau lexical et stylistique : l’auteur s’exprime souvent dans une langue non pas normative, mais qui s’écarte au contraire de la norme, étant donné sa dimension créative.
2. Au niveau culturel : car traduire un texte est aussi traduire une culture, c’est-à-dire une vision du monde qui se décante dans la langue et surtout sa grammaire.
3. Au niveau des idées : le bouleversement parfois révolutionnaire exprimé dans un texte et donc dans le signifié, l’est aussi par le signifiant, par la forme.

En conclusion : le traducteur littéraire ou poétique échappera à la menace de la normalisation s’il cesse de se complaire dans le carcan de sa langue, s’il la traite comme un organe vivant, renfermant des « germes » susceptibles de se développer, comme un organe souple capable de se laisser transformer sans se laisser casser ou détériorer, s’il la considère comme une terre d’accueil désireuse de récolter d’autres visions du monde et d’autres esthétiques.

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