Plus qu’un slogan, « tout, tout de suite » est le leitmotiv de notre époque, expression d’un nouveau besoin, celui de la satisfaction immédiate de nos désirs, autant que de notre dernier devoir, celui de la pleine instantanéité de nos actions, tous deux communément partagés à l’heure de l’hyperconnectivité où nous semblons tous doués d’ubiquité et de polychronie. Parce que le monde entier se vit en temps réel et que nous y vivons partout en un clic, « tout, tout de suite », n’est-ce pas ce que désormais nous voulons toujours et ce que nous pouvons souvent ? Car nous ne savons plus attendre et cependant savons faire tant. 

Nous ne savons plus attendre - mais nous le faisions jadis de l’avoir appris en comprenant qu’il faut du temps au temps et que si le temps est parfois bien long, rien ne nous rapproche plus de la mort que les temps morts. D’où notre antique patience, active et créative, ce savoir appliqué qui reposait sur notre conscience d’un ordre du monde différent de celui que nous mettons dans les choses. 

Nous savons faire tant - et nous ne nous en privons pas, la technique permettant aujourd’hui d’agir même sur le temps, en l’accélérant surtout ou en le remontant peu ou prou. D’où notre récente impatience, frénétique, voire fanatique, cette hâte d’en finir, sinon d’en avoir déjà fini, qui traduit par « Profite ! », « Consomme ! », voire « Consume ! » le vieux « Carpe diem » et oublie tout memento mori.

Partagerait-on ici la nostalgie de ceux qui jureront comme ceux avant eux que « C’était mieux avant » ? Ce serait avouer combien nul ne peut finalement ne pas subir le temps, puisqu’il est la condition de chaque vivant, jusqu’à celle de l’existant. Confrontant notre fascination évidente pour l’accélération du temps à l’attrait secret pour le lâcher prise, l’imminence à la distance et la vitesse à la lenteur, ce cours cherchera à montrer ce que l’impatience contemporaine nous enseigne du temps et combien elle nous renseigne sur l’homme de notre temps.