Frans LEMAIRE Les représentations du judaïsme et des Juifs dans la musique et l’art chrétiens
Date : 25.02.2014 — Audio 99 min.
Les religions chrétiennes - romaine, orthodoxe ou luthérienne - furent longtemps les plus importants commanditaires d’œuvres d’art. Si les représentations du divin ont été tantôt privilégiées ou, au contraire, écartées, la musique est restée universellement admise avec ses chants mais plus diversement adoptée dans ses formes instrumentales. Trois thèmes dominent plus particulièrement ces immenses répertoires de l’image et du son : certains épisodes et personnages de la bible hébraïque (« Ancien Testament »), la naissance de Jésus avec Marie et l'enfant, enfin sa mort avec la Passion et la crucifixion. Si la transformation d’un enfant juif né de mère juive en un archétype universel de la maternité reste innocente, il n’en est pas de même de la mort du Christ, devenue, en dehors de toute vraisemblance historique, la mort du premier chrétien, victime de la haine des Juifs malgré la mansuétude de Pilate. Proclamée à partir du IIe siècle, rappelée chaque année à l’occasion de la Pâque, l’accusation de déicide a scellé l'image collective du Juif jusqu'à la fin du XXe siècle, que ce soit dans les scènes du chemin de croix, dans la liturgie de la Semaine sainte ou dans les formes théâtrales et musicales qui s'en sont inspirées (Passions, Oratorios, Stabat Mater). L'art a longtemps contribué ainsi à entretenir et légitimer une exclusion qui, en multipliant les persécutions, a rendu finalement possible le drame de la Shoah... Malgré l’abandon, après bien des délais et réticences, de la doctrine du peuple déïcide par le Concile de Vatican II (1965), plusieurs décennies seront encore nécessaires pour que ce renversement du sens trouve son expression dans le discours religieux et ses paraphrases artistiques. Ce n’est qu’à partir de l’an 2000 que de nouvelles Passions ont pris cet héritage en charge et que la Passion d’Oberammergau est parvenue à mettre un terme à ses stéréotypes meurtriers.