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Fabrice PREYAT Lumières et anti-Lumières
Un débat actuel

Date : 09.11.2017 — Audio 71 min.

Peu de notions sont aujourd’hui autant instrumentalisées que les concepts de Lumières et d’anti-Lumières.

Censés évoquer deux « traditions » monolithiques, dressées l’une contre l’autre, ces termes reflètent souvent moins une réalité historique que les valeurs, l’engagement ou le militantisme de celui qui les brandit en fonction de la situation politique du moment.

Encouragées par les besoins de la IIIe République et la réforme des programmes scolaires, ces catégories ont occulté la diversité du XVIIIe siècle et sacrifié l’hybridité des positions philosophiques ou politiques adoptées par de nombreux intellectuels. La prétendue unité doctrinale qui aurait soudé les Philosophes a ainsi longtemps voilé l’opportunisme fréquent d’alliances ponctuelles, qui découlaient de phénomènes culturels complexes, retors aux classifications manichéennes.

Réduites la plupart du temps à leur expression française - en dépit de la diversité d’un mouvement européen -, les Lumières sont maintenant cantonnées aux valeurs de progrès, au rationalisme ou à l’universalisme attachés aux Droits de l’homme. Elles servent pourtant, indépendamment de contextes socio-économiques et culturels très différents de celui de la France du XVIIIe siècle, à qualifier un Islam tolérant, contre la multiplication de mouvements obscurantistes. Elles sont mobilisées dans le combat qui vise à garantir l’intégrité d’une identité nationale ébranlée... Les anti-Lumières traversent, avec leur apparent antonyme, les débats attachés à la question de la citoyenneté et à la définition de la nation ou de la civilisation, au multiculturalisme ou au différencialisme culturel, au néoconservatisme politique aussi.

Pour comprendre la portée des usages actuels, il convient de retracer la généalogie de valeurs qui n’ont, en réalité, jamais fait consensus, dont les positions ont été radicalisées par les polémiques qui ont structuré l’espace public, et qui, dans notre quotidien, font souvent les frais de la caricature et du mythe.

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