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Jean-Noël MISSA Modifier l'homme pour coloniser l'espace ?

Date : 16.10.2019 — Audio 68 min.

Parmi les photographies qui ont modifié les représentations du monde, « La Bille Bleue » (The Blue Marble) occupe une place singulière. Prise en 1972 à 45.000 km de la terre par l’équipage de la mission Apollo 17, elle montre une splendeur de couleur, d’eau et de terre, en suspension dans l’espace sombre. Pour la première fois, les humains voient leur lieu de résidence. Les vastes horizons, les océans, les montagnes et les plaines, la diversité des pays et des climats sont regroupés dans une sphère unique, qui a pour impact d’accentuer ce qui les lie, et de créer un fossé littéralement sidéral avec ce qui n’est pas terrestre et semble inhospitalier.
Cette conscience de l’unicité de la terre, à l’heure du changement climatique et des inquiétudes sur l’état de la planète, doit être pensée en suivant deux pistes, qui seront les deux fils de cette série de conférences. Il s’agira d’abord de s’interroger sur notre rapport à la terre elle-même, cet objet qui n’en est pas un, cet hyperobjet, qui est à la fois une planète parmi d’autres mais aussi le berceau de l’humanité, « l’arche originaire », selon l’expression du phénoménologue Edmund Husserl. Quelle est notre relation à la terre ? Et comment les techniques contemporaines, notamment d’extraction de minerais et de « terres rares » la font évoluer ?
En écho à ces réflexions qui tendent à singulariser la terre et à souligner son unicité féconde, une autre piste sera suivie, qui pour sa part conduira à relativiser la terre. Car elle n’est, après tout, qu’une planète parmi des milliards d’autres. Les « silences éternels des espaces infinis » – sur lesquels méditait nuitamment Pascal – ne sont pas qu’une métaphore. Ils sont la réalité d’un cosmos dont l’immensité dépasse totalement l’entendement, rendant la particularité de la terre, étonnante, anecdotique, contingente ou miraculeuse, selon les interprétations. L’astrophysique contemporaine nous met face à l’impensable. La qualité de sa compréhension, la possibilité d’établir un savoir par-delà le temps, la précision de ses scénarios sur la mort du soleil ou ses conjectures sur la possibilité de la présence d’eau, et donc possiblement de vie, dans des galaxies lointaines, ouvrent totalement le champ de la réflexion, et peut-être, un jour, la possibilité pour certains descendants des actuels humains de quitter la terre.

Penser la terre et l’espace, entre philosophie et technoscience, c’est donc tout à la fois singulariser la terre et la relativiser, sous le double signe de l’étonnement et du soin que l’on doit à ce qui rend la vie possible. Notre résidence sur la terre est aussi une résidence dans l’espace.

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