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Christian VAN NECHEL, Ulla DUQUESNE Les origines des vertiges

Date : 14.10.2015 — Vidéo 94 min. — Audio 95 min.

S'adapter plutôt que subir, se déplacer plutôt qu'être déplacé, différencient le vivant de l'inerte. Mais, se mouvoir sans maitriser sa direction n'a pas de sens, et voir sans localiser sa cible n'a aucune utilité. La mobilité et la vision ne sont pertinentes que si leur orientation peut être déterminée par rapport à une référence stable. Sur terre, la référence la plus constante est l'axe de la gravité. La détection de cet axe gravitaire est donc devenue un avantage évolutif puis une fonction vitale.

Dès le monde végétal apparaissent des organites cellulaires aptes à détecter la direction de la force gravitaire et qui déterminent la croissance vers le haut des branches et vers le bas des racines. C'est dans le monde aquatique très primitif que s'ébauche la future composante vestibulaire de l'oreille interne humaine. Pour être éclairante chez les êtres mobiles, l’image perçue par l’œil doit être stable. Il s'y construit donc aussi l’indispensable couplage entre la détection des mouvements du corps et la stabilisation du regard : les réflexes vestibulo-oculaires et vestibulo-spinaux. C'est probablement ce caractère archaïque et pré-conscient qui a privé cette fonction d'orientation de la qualification de sixième sens.

Si un être mobile peut orienter et stabiliser son regard par rapport à l'espace environnant, il pourra, si son développement cérébral le lui permet, associer à chaque direction du regard l'image correspondante de l'espace. Il devient dès lors possible de construire une représentation mentale de cet espace, de la mémoriser, d'y naviguer, de la penser.
Penser cet espace c'est s'y localiser, y programmer des actions, mais aussi y différencier le soi et le non-soi, l'autre. Cette différenciation contribue à la capacité humaine de prendre le point de vue d'une tierce personne et modulerait le degré d'empathie pour autrui. La découverte de neurones codant la position et l'amplitude des déplacements du rat dans un espace constitue les prémices de la connaissance de notre système de navigation interne et fut couronnée par le prix Nobel de médecine en 2014.

Les vertiges, qui par définition sont une illusion de déplacement de soi dans l'espace ou de celui-ci autour de soi, résultent d'une construction erronée de cette représentation mentale de soi dans l'espace. Les vertiges sont la conséquence de discordances entre les informations sensorielles, surtout visuelles et vestibulaires, qui contribuent à cette construction, soit par défaillance des capteurs vestibulaires de l'oreille interne, soit de leurs connexions cérébrales. Ils peuvent être rotatoires ou linéaires, illusions de tangage, d'enfoncement, de lévitation. Résoudre ces discordances passe parfois par une modification de la représentation de son propre corps, ou induit une difficulté à percevoir correctement le mouvement du corps dans un environnement visuel mobile. Il en résulte par exemple un inconfort lors de déplacements dans la foule, les grandes surfaces, les autoroutes ou en présence d'images mobiles sur écran. Des altérations du système vestibulaire chez l'homme peuvent induire une dissociation entre la localisation physique de son corps et sa localisation dans la représentation mentale de l'espace, avec l'illusion de "sortir de son corps". Toute l'image mentale du corps dans l'espace peut en être affectée avec une perspective visuelle de l'espace qui serait celle d'un sujet réellement placé dans la position erronée.

Les développements récents en imagerie cérébrale et l'accès en clinique à des outils informatiques qui permettent l'analyse de la stabilité du regard et du corps, des réflexes vestibulo-oculaires et vestibulo-spinaux lors de stimulations calibrées, ont profondément amélioré nos connaissances du système vestibulaire, et changé les démarches diagnostiques et thérapeutiques des vertiges.

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