Que signifie, en philosophie, la possibilité de penser « avec » la littérature sans pour autant parler à sa place, sans l’écraser sous des concepts forgés par avance ? Et que peut-on véritablement penser avec elle ? Nous aimerions esquisser quelques pistes de réflexion touchant à ces vastes problèmes à partir de l’analyse d’un cas précis, celui de l’écriture de la folie chez le poète romantique Gérard de Nerval (1808-1855) et des résonances que peut trouver cette écriture dans le travail de Michel Foucault (1926-1984). Si l’éclairage des thèses foucaldiennes agit comme un révélateur d’enjeux philosophiques majeurs chez Nerval, ce dernier ravive dans notre lecture de Foucault la question du rapport entre philosophie et littérature, et celle du rôle que peut jouer l’auteur vis-à-vis de sujets ou de discours minoritaires. Dans le croisement de ces voix, nous tenterons de saisir les possibilités pour l’écriture, littéraire comme philosophique, de parler « pour » d’autres en leur faisant droit, sans se substituer à eux au risque de les assujettir.



Martin Mees est Maître de conférences en philosophie et littérature à l'Université de Lille.

Ses recherches portent sur les rapports qui se tissent entre philosophie et littérature, et les enjeux qui en émergent sur des plans à la fois esthétique (théories du sublime, du faire poétique, liens entre l’art et la vie, pouvoirs de l’œuvre), épistémologique (questions de l’écriture du savoir, de l’interdisciplinarité, de pensées et de connaissances littéraires) et enfin politique (problèmes des normes, du sujet, de la représentation de formes de vie minoritaires). Ces recherches couvrent une période qui va principalement du 19e siècle (en particulier le romantisme et le dandysme) à la philosophie française contemporaine (en particulier les travaux de Michel Foucault).

Il a publié Nerval ou la pensée du poétique. Essai de philosophie à l'œuvre aux éditions Classiques Garnier, et codirigé Les formes romantiques de la vie. Poétisations de l'existence dans le romantisme européen aux éditions Hermann.