Lors de la première polémique sur le foulard islamique, en 1989, l’idée de laïcité était au centre du débat. La plupart des intervenants, qu’ils soient favorables à l’autorisation du port du foulard à l’école ou à son interdiction, prenaient position sur la laïcité et même, le plus souvent, défendaient leur position, "pour" ou "contre", au nom de la laïcité, fût-ce en prenant la précaution d’en spécifier le sens (laïcité "française", "à la belge", etc.). Ces références constantes à la laïcité ont peut-être, à l’époque, obscurci la notion, mais elles l’ont aussi enrichie, et elles lui rendaient en tout cas hommage.

Vingt ans après, alors que le débat a glissé du foulard au voile quand ce n’est pas à la burqa, les références à la laïcité se font rares, et l’idée même de laïcité a été profondément malmenée. Non seulement son procès est mené avec insistance, mais en outre elle divise ceux qui s’en réclament, et qui polémiquent son sur "bon usage" ou son nécessaire degré d'"ouverture", pendant que le nouveau débat sur les règles du vivre-ensemble dans une société multiculturelle tournent autour de notions alternatives comme la "diversité" et les "accommodements raisonnables".

L’idée de laïcité est-elle vouée à une mort programmée, comme si elle était incompatible avec une société authentiquement multiculturelle ? En commençant par mesurer aussi bien ce qui sépare que ce qui unit ultimement des pays apparemment aussi différents que la Belgique et la France, on s’efforcera dans ce cours-conférence de dégager le sens irréductible de l’idée de laïcité, de s’interroger sur les motifs de sa contestation, et de cerner les principaux défis qui l’attendent dans un contexte nouveau de pluralisme radical. Aucune thèse précise ne peut être annoncée ici, l’objectif étant au contraire de s’efforcer à un authentique questionnement et de le partager avec les participants.