Révolutionnaire, Wagner l’est à bien des égards.

Nul ne doute qu’il le soit sur le plan musical, puisqu’il élabore une forme d’opéra radicalement nouvelle, partant du principe des motifs récurrents (« leitmotive ») dans une ligne mélodique continue. Il se veut, et est un cas unique à cet égard, l’auteur complet de ses œuvres lyriques, puisqu’il en compose les livrets aussi bien que la musique, prévoyant au surplus lui-même le déploiement scénique de ses œuvres, et même l’architecture d’un théâtre idéal susceptible de les accueillir.

Mais Wagner n’est pas seulement révolutionnaire en tant qu’artiste, il l’est aussi, et cela se sait moins, en tant que penseur. Sa réputation d’essayiste est entachée par la funeste réputation de son pamphlet antisémite, mais par ailleurs il est l’auteur de textes théoriques de philosophie de l’art d’un très grand intérêt.

Sur le plan politique, on ne peut nier l’importance, dans son évolution intellectuelle, de sa participation aux événements insurrectionnels de 1848-49 à Dresde. Il y a été très engagé, au point de se trouver obligé de prendre le chemin de l’exil, afin d’éviter la répression. Cet épisode de son apprentissage, loin d’être secondaire, est au contraire décisif, même s’il cherchera à le minimiser par la suite, et fournit une explication fondamentale de ses diverses prises de position, tout en éclairant de façon déterminante la signification de son œuvre.